« Mon Père est toujours à l’œuvre » (II)
L'évangile du jour : Jean 5, 17-30
…« Mon Père
est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre. » C’est pourquoi, de
plus en plus, les Juifs cherchaient à le tuer, car non seulement il ne
respectait pas le sabbat, mais encore il disait Dieu son Père, se faisant égal à
Dieu.
Jésus reprit
donc la parole. Il leur déclarait : « Amen, amen, je vous le dis : le Fils ne
peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père
; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. Car le Père aime le Fils
et lui montre tout ce qu’il fait. Il lui montrera des œuvres plus grandes
encore, si bien que vous serez dans l’étonnement. Comme le Père, en effet,
relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il
veut. Car le Père ne juge personne : il a donné au Fils tout pouvoir pour
juger, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui ne
rend pas honneur au Fils ne rend pas non plus honneur au Père, qui l’a envoyé.
Amen, amen,
je vous le dis : qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient
la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la
vie.
Amen, amen,
je vous le dis : l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront
la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. Comme le Père,
en effet, a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir, lui aussi,
la vie en lui-même ; et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement, parce
qu’il est le Fils de l’homme. Ne soyez pas étonnés ; l’heure vient où tous ceux
qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ; alors, ceux qui ont fait le
bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour
ressusciter et être jugés.
Moi, je ne
peux rien faire de moi-même ; je rends mon jugement d’après ce que j’entends,
et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas à faire ma volonté, mais
la volonté de Celui qui m’a envoyé. »
***
Hier, Jean nous
a fait le récit de la guérison du grabataire stocké depuis 38 ans au bord du
bassin de Bethzatha, mu soudainement par l’ordre que lui donne Jésus : « Lève-toi,
prends ton grabat, et marche ». Pour le quatrième évangéliste, la
guerre est immédiatement déclarée entre Jésus et ses coreligionnaires ; il
souligne que ceux-ci cherchaient d’emblée à le tuer car « non seulement
il rompait le sabbat, mais il disait (elegen) Dieu son Père, se faisant (poien) égal à Dieu » (Jn 5, 18), Jean
indiquant par là combien le « dire » de Jésus est aussi un « faire ».
L’antipathie
meurtrière initiale ne cessera de croître au fur et à mesure que s’affirmera la
prétention à la divinité de Jésus. Pourtant n’y a-t-il pas à l’origine de cet
affrontement un malentendu radical ? En nous parlant d’un Père, Jésus ne
rompt-il pas avec la figure de Dieu, le dieu tout-puissant, lointain et indicible ? Derrière
le Fils de Dieu ne se profile-t-il pas déjà le Fils de l’Homme à venir ? C’est que « l’incarnation
change tout » comme l’affirmait Merleau-Ponty, regrettant que le christianisme
n’ait pas encore pris la mesure de ce changement de régime du divin alors que
là réside sa spécificité. Cette spécificité, Jean n’en est-il pas le meilleur
témoin ?
Jésus a une
bonne excuse pour rompre le sabbat : son « Père » est toujours à
l’œuvre. Selon une genèse continuée qui ne connaît pas le repos du septième
jour, ce Père « relève les morts » et leur dispense continûment la
vie. Ce pouvoir de vie, le Père l’a transmis au Fils et ils le partagent
ensemble.
Plus étonnant
encore, le Père ne juge pas (plus). Il s'est dessaisi de ce pouvoir pour le remettre entièrement
à son Fils « qui reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les
morts » confirme le Credo des chrétiens. Plus étonnant encore, il se
pourrait que celui qui croit en la parole de l’envoyé du Père échappe même au
jugement, entrant de plain-pied dans la vie éternelle, en passant par la foi de
la mort à la vie.
Encore faut-il
entendre la voix qui porte cette parole, la voix du Fils qui incarne sans retour celle du
Père qui l’a envoyé. À la voix « de fin silence » de Yahvé s’est substituée
une Parole de vie lancée jusqu’à nous depuis « les clairs chemins de
Galilée ». Aux morts que nous sommes encore, aux morts des tombeaux qui
nous ont précédés, il est donné de l’entendre. « L’heure vient » de
ce réveil général. Et notre méditation et notre attente se poursuivent, sans limites.
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