L'ouvrier de la dernière heure

Parabole des ouvriers, Salomon Koniinck, 1647, Musée de l'Ermitage 

 L’évangile du jour (Matthieu 20, 1-6)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le point du jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.” Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?” Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.”

Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.” Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : “Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !” Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne te fais pas tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou bien ton œil est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?”

C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

***

Il en va donc ainsi des ouvriers du royaume des Cieux : leur salaire est le même qu’ils aient travaillé une heure ou la journée entière, « sous le poids du jour et de la chaleur ». Jésus invente le prix unique du travail quelle que soit sa durée ! Evidemment, nous comprenons les récriminations des ouvriers de la première heure contre le maître. Celui-ci se retranche derrière l’accord passé et son sens de l’équité rappelle celle du Dieu qui fait « lever son soleil sur les méchants comme sur les bons. » (Matthieu 5, 45), celle du père de famille qui, en apparence, traite le fils prodigue bien mieux que le fils aîné fidèle et travailleur (Luc 15, 11-32). Au royaume des Cieux, toutes les valeurs sont renversées par l’infinie bonté de Dieu. 


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