De l'union et du divorce

 



L'évangile du jour : Marc 10, 1-12

En ce temps-là, Jésus arriva dans le territoire de la Judée, au-delà du Jourdain. De nouveau, des foules s’assemblèrent près de lui, et de nouveau, comme d’habitude, il les enseignait. Des pharisiens l’abordèrent et, pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Jésus leur répondit : « Que vous a prescrit Moïse ? » Ils lui dirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. » Jésus répliqua : « C’est en raison de la dureté de vos cœurs qu’il a formulé pour vous cette règle. Mais, au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »

De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur déclara : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. »

***

À la loi de Moïse autorisant le divorce, Jésus oppose le récit fondateur de la Création. Dieu a créé l'homme et la femme séparés afin qu'ils puissent s'unir et que de deux, ils ne fassent plus qu'un : « une seule chair ». En revenant à l'origine, Jésus décrit un ordre des choses supérieur, reprochant implicitement à Moïse de l'avoir dégradé en concédant – aux seuls hommes ! - le droit de répudier leur femme.

L'Église catholique a déduit de ce passage la règle de l'indissolubilité du mariage chrétien, là où les protestants ont admis qu'il pouvait y avoir une raison sérieuse de le rompre, suivant en cela l'enseignement de Matthieu qui prévoit, lui, qu'un écart grave dans la vie conjugale (πορνείᾳ, « porneia ») peut justifier la séparation*. Le Magistère catholique a censuré l'exception matthéenne que les protestants avaient admise, transformant l'indissolubilité en dogme au concile de Trente.**

Le commentaire que Jésus fait à ses disciples - auxquels la réponse de Jésus aux Pharisiens ne devait pas suffire puisqu'ils « l'interrogeaient de nouveau » - est essentiel en ce qu'il permet à Jésus d'affirmer nettement une égalité de traitement entre l'homme et la femme sur cette question. Cette parité homme-femme dans cette situation, dont on peut ici attribuer la paternité à Jésus, rompt aussi avec la loi de Moïse. Jésus établit une symétrie parfaite entre l'homme et la femme qui, l'un ou l'autre, renverrait son conjoint et se remarierait (non certes sans devenir « adultère » l'un ou l'autre en cas de remariage mais c'est une autre question).


* Matthieu cite par deux fois cette exception : « Mais moi, je vous dis que quiconque répudie sa femme, si ce n'est pour cause de fornication (πορνείας) , la fait devenir adultère » (Mt 5, 32) ; «   Mais je vous dis que quiconque répudie sa femme, si ce n'est pour cause de fornication (μὴ ἐπὶ πορνείᾳ), et en épouse une autre, commet adultère ; et que celui qui épouse une femme répudiée, commet adultère. » (Mt 19, 9) ; le mot grec porneia (qui est à la racine de notre « pornographique ») pouvait désigner à l'époque des évangiles l'adultère, la prostitution, la fornication ou tout écart à la vie conjugale.

** pour une discussion argumentée sur cette question du mariage et du divorce, on renvoie ici à l'excellent livre d'André Paul, La famille chrétienne n'existe pas (Albin Michel, 2015), paru entre les deux sessions du synode des évêques consacré à la famille.

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