Le pain de vie (III)
L'évangile du jour : Jean 6, 44-51
[En ce temps-là, Jésus disait aux foules : ]« Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous enseignés de Dieu (διδακτοὶ θεοῦ) . Quiconque a entendu le Père et apprend (μαθών) vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement (εἰς τὸν αἰῶνα). Le pain que je donnerai est ma chair (σάρξ) pour la vie du monde. »
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Jésus poursuit son enseignement dans la synagogue de Capharnaüm (Jn 6, 59). Le texte liturgique, entre hier et aujourd'hui, saute les versets 41 à 43, où ses auditeurs expriment leurs doutes par rapport à la personne de Jésus : « 41Les Juifs murmuraient donc à son sujet, parce qu'il avait dit : Je suis le pain qui est descendu du ciel. 42Et ils disaient : N'est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, celui dont nous connaissons le père et la mère ? Comment donc dit-il : Je suis descendu du ciel ? 43Jésus répondit et leur dit : Ne murmurez point entre vous. »
Jésus réaffirme que le mouvement qui meut ceux qui viennent à lui, l'attrait qu'ils éprouvent pour lui, viennent du Père, comme s'il voulait récuser un quelconque pouvoir de séduction de sa personne (mais non celui de ressusciter - ἀναστήσω - celui qui est venu à lui !). Il cite le prophète Isaïe (« Tous tes fils seront instruits par Dieu » Is 54, 13) à l'appui de son affirmation : quoique nul ne l'ait vu, sinon le Fils, le Père enseigne directement, du moins ceux qui l'entendent et apprennent de lui. C'est bien la « voix » du Père qui nous conduit au Fils. Mais ce régime d'invisibilité du Père nous contraint à croire sans l'avoir vu, même si Jésus dira par ailleurs à Philippe « qui m'a vu a vu le Père » (Jn 14, 9) car oui, de ce point de vue, « l'incarnation change tout » (Merleau-Ponty).
Jésus réaffirme sa supériorité sur Moïse : la manne du désert n'a pas empêché de mourir ceux qu'elle a nourris. Mais celui qui mangera le « pain descendu du ciel » vivra pour toujours. Et ce pain de vie n'est autre que la chair du Fils, affirmation qui, prise au sens littéral par son auditoire, va susciter à nouveau son incrédulité, juste après ce passage: « comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ?! » (Jn 6, 52). L'évangéliste se fait sans doute ici l'écho du scandale que pouvaient susciter les liturgies eucharistiques dans l'entourage des premiers chrétiens (qui furent soupçonnés voire accusés de cannibalisme !)
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