Il a tout remis dans sa main

 

Baptistère San Giovanni, vers 1300, Florence

L’évangile du jour : Jean 3, 31-36

« Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est terrestre, et il parle de façon terrestre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage. Mais celui qui reçoit son témoignage certifie par là que Dieu est vrai. En effet, celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu, car Dieu lui donne l’Esprit sans mesure. Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main. Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui refuse de croire le Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. »

***

La liturgie ne pratique pas une lecture continue des textes même quand elle semble « suivre » un évangile (comme c’est le cas en cette année B avec l’évangile de Marc). Ainsi nous lisons ces jours-ci l’évangile de Jean et singulièrement le chapitre 3 qui commence par l’entretien de Nicodème avec Jésus. 

A l’issue de cet entretien dont Jean a élargi le propos à un discours sur le Fils, lumière et vérité, reprenant les thèmes de son prologue, Jésus se retrouve à baptiser, avec ses disciples, concurrençant en quelque sorte Jean le Baptiste, toujours en activité « à Enon près de Salim » précise l’évangéliste (Jn 3, 23), jamais avare de précisions topographiques ou d’autres détails, qui confèrent un « effet de réel » particulier à ses récits. Cette proximité et cette commune action – baptiser – trouble certains disciples de Jean qui, à la suite d’une dispute avec un coreligionnaire au sujet de la purification, viennent trouver le Baptiste, lui demandant pourquoi ce Jésus auquel il a rendu témoignage s’est mis lui aussi à baptiser. Soit dit en passant, ce verset est la seule trace que nous ayons d’un « Jésus baptiseur ». C’est l’occasion pour Jean de se positionner à nouveau par rapport à Jésus comme celui qui a été envoyé devant lui, comme le « précurseur », comme « ami de l’époux » qu’est le Christ, comme celui qui doit diminuer tandis que Jésus croît (Jean 3, 28-30).

Le texte du jour est la suite du témoignage que Jean rend à Jésus pour rassurer ses propres disciples. Jésus est bien celui qui « vient d’en haut » et qui pour cette raison est « au-dessus de tous » (y compris de Jean le Baptiste). Il précise cette origine d’en haut en confirmant la filiation de Jésus, qui est bien le Fils de son Père. Et celui qui croit que Jésus est bien le Fils de Dieu a la vie éternelle en lui, au contraire de celui qui refuse de recevoir les paroles du Fils comme celles de Dieu même.

Pour Jean, le Père a « tout remis » entre les mains du Fils, y compris, on l’a vu, le Jugement et cette confiance et remise totale du Père envers son Fils sont sûrement le trait le plus étonnant et le plus bouleversant de la théologie johannique qui se mue ainsi en une pure et exclusive christologie. Comme si la figure du Père, après celle désormais lointaine du Dieu-Ywh du Premier testament, devait elle-aussi s’effacer au profit de celle du Fils de l’homme (homo et non vir), un homme parole vivante parmi nous jusqu’à la fin des temps, « fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui » (pour reprendre le portrait modeste que Sartre fait de lui-même dans le final de son autobiographie, Les Mots).

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