Emmaüs

Le souper d'Emmaüs, Le Caravage, 1601


L'évangile du jour : Luc 24, 13-35

Le même jour (c’est-à-dire le premier jour de la semaine), deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.

Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître. Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes. L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. » Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple : comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié. Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé. À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau, elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant. Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. » Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.

Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.

Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain. 

***

Le matin de Pâques nous avait laissés dans une forme d'incertitude : car le tombeau vide ne disait qu'en « creux » la résurrection du Christ. Dans l'octave qui suit, la liturgie nous apporte chaque jour un récit différent des façons que le Christ ressuscité a eues de se manifester à ses disciples. Celui de Luc, dont les protagonistes sont connus sous le nom de « pèlerins d'Emmaüs » - qui a donné son nom à la fondation de l'abbé Pierre - est sans doute l'un des plus emblématiques.

Nous ne savons pas grand chose de ce Cléophas. Est-ce lui dont la femme est présente avec Marie de Magdala au pied de la croix, selon l'évangéliste Jean (Jn 19, 25) ? Et dans ce cas, pourquoi son compagnon de route ne serait-il pas... sa compagne, Marie ?

Quoiqu'il en soit, Luc le voyageur déploie tout son talent de conteur, en décrivant la déception des disciples et leur tristesse après les « événements », que feint d'ignorer leur compagnon de rencontre pour entendre de leur bouche le récit des derniers jours de Jésus, le constat du tombeau vide qui les a tous laissés dans l'incertitude du sort exact de leur Maître, et Jésus qui fait semblant d'abandonner les voyageurs après leur avoir partagé les Écritures. 

Ce n'est qu'au moment de la fraction du pain que les deux disciples reconnaissent enfin Jésus dans ce voyageur mais le Christ s'éclipse aussi mystérieusement qu'il était apparu. 

Partage fraternel des Écritures et du pain, toute la messe est déjà là, sans les surcharges que les siècles de liturgie vont lui ajouter.

La leçon de Luc est claire : que tout compagnon de rencontre et de route nous soit désormais comme la figure du Christ, même si nous ne la reconnaissons pas immédiatement. Car c'est de cet autre de hasard que nous recevrons toujours la vérité que nous cherchons à vivre dans le repas eucharistique auquel nous l'aurons invité : la présence du Seigneur parmi nous. Venez, tout est prêt pour le banquet ! 

Commentaires

  1. La leçon de Luc est claire : que tout compagnon de rencontre et de route nous soit désormais comme la figure du Christ, même si nous ne la reconnaissons pas immédiatement. Car c'est de cet autre de hasard que nous recevrons toujours la vérité que nous cherchons à vivre dans le repas eucharistique auquel nous l'aurons invité : la présence du Seigneur parmi nous. Venez, tout est prêt pour le banquet !

    Toi aussi tu es la figure du Christ: n'est-ce pas un peu prétentieux ?? Les prêtres abuseurs ont été aussi les figures du Christ pour leurs futures victimes.

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