La multiplication des pains et des poissons, Lambert Lombard, XVIe siècle, Maison Snijders&Rockox, Anvers
L’évangile du jour : Jean 6, 1-15
En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de
Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait
vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et
là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était
proche. Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit
à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? »
Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il
allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne
suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Un de ses disciples,
André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a
cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde
! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet
endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. Alors
Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives
; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. Quand ils eurent
mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en
surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent
douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour
ceux qui prenaient cette nourriture.
À la vue du signe que Jésus avait accompli, les
gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans
le monde. » Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui
leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.
***
Nous aurions, « vieux chrétiens », besoin du regard
neuf et un peu émerveillé d’un néophyte devant cette scène usée que nous connaissons
par cœur et que nous résumons généralement d’un titre qui tient de l’opération
arithmétique : la multiplication des pains (titre tronqué, d’ailleurs,
puisqu’il omet les poissons) et qui nous suffit à la décrire. Il y avait cinq
pains d’orge et deux poissons et il y en eut plus qu’en suffisance pour cinq
mille hommes, puisque les disciples, au commandement de Jésus, ramassèrent
douze corbeilles de restes de pain. Rien n’est dit du poisson, qui fut donc
entièrement consommé ?
Cette foule qui poursuivait un guérisseur a rencontré un
nourrisseur.
Quand le rédacteur de l’évangile de Jean écrit cette scène,
elle fait à l’évidence écho au repas eucharistique, à cette fraction du pain à
laquelle les premiers adeptes de la Voie sont déjà assidus. Dans le récit
évangélique, elle est anticipation de la Cène, du dernier repas que Jésus va
partager avec ses disciples, par lequel il offrira un mémorial éternel à son œuvre
de Salut.
Du haut de cette montagne, c’est déjà son corps qu’il
distribue, en surabondance au point qu’il en reste, image future de nos réserves
eucharistiques serrées dans nos tabernacles. Dieu merci pour elles, le poisson
a été entièrement consommé et il n’en reste que le mot grec ichthus, acronyme
de Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur, graffiti sur les murs des catacombes où
se terraient les Chrétiens persécutés de Rome.
Guérir, nourrir, il n’en faut pas plus pour qu’on désire
faire de vous un roi. Jésus le savait. Il s’esquive, à nouveau seul face à son
destin en marche.
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