Les enfants d'Abraham (I)
L’évangile du jour :
Jean 8, 30-42
... Alors qu'il disait ces choses, beaucoup crurent en lui. Jésus dit
alors aux Juifs (IoudaiouV) qui avaient cru en lui : « Si vous demeurez dans ma
parole, vous serez vraiment mes disciples ; alors vous connaîtrez la vérité, et
la vérité vous délivrera. » Ils lui répliquèrent : « Nous sommes race (sperma) d’Abraham, et nous n’avons jamais été
les esclaves de personne. Comment peux-tu dire : “Vous deviendrez libres” ? »
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : qui commet le péché est
esclave du péché. L’esclave ne demeure pas pour toujours dans la maison ; le
fils, lui, y demeure pour toujours. Si donc le Fils vous rend libres,
réellement vous serez libres. Je sais bien que vous êtes race d’Abraham, et pourtant
vous cherchez à me tuer, parce que ma parole n’a pas place en vous. Je dis ce
que moi, j’ai vu auprès de mon Père, et vous aussi, vous faites ce que vous
avez entendu chez votre père. » Ils lui répliquèrent : « Notre père, c’est
Abraham. » Jésus leur dit : « Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez
les œuvres d’Abraham. Mais maintenant, vous cherchez à me tuer, moi, un homme
qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l’a pas
fait. Vous, vous faites les œuvres de votre père. » Ils lui dirent : « Nous ne
sommes pas nés de la prostitution ! Nous n’avons qu’un seul Père : Dieu. »
Jésus leur dit : « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez, car moi, c’est de
Dieu que je suis sorti et que je viens. Je ne suis pas venu de moi-même ; c’est
lui qui m’a envoyé. »
***
Ce long échange tendu
du chapitre 8 a commencé avec les Pharisiens qui reprochaient à Jésus d’être
seul à témoigner de lui-même, bien qu’il invoquât tantôt d’une périphrase le
témoignage de « celui qui m’a envoyé », tantôt plus explicitement
celui de son « Père ». « Où est ton père ? » (Jn
8, 19) continuaient à l’interroger les Pharisiens, et aussi, plus directement :
« Qui es-tu ? » (Jn 8, 25).
Ici l’échange se
poursuit avec ceux des « Juifs qui avaient cru en lui » et qui
pourtant lui font encore des objections hostiles. Brown fait l’hypothèse que ce
débat serré pourrait refléter des tensions entre la communauté johannique, adepte
d’une « christologie haute » et d’autres premiers chrétiens « qui
n’acceptaient pas Jésus comme ‘Je suis’ (ego
eimi) divin ».
La dispute se cristallise autour de la « race d’Abraham » que Jésus prétend être venu délivrer en lui faisant connaître la vérité : sa parole, attestée par les œuvres que son Père lui donne d’accomplir. Chez Jean, c’est la vérité qui rend libre. Cette dispute à propos des enfants d’Abraham – conflit de légitimités qui se poursuit encore d’une autre façon au Proche-Orient - va aller crescendo et culminera, dans la suite de l’évangile lu demain, par la déclaration la plus impressionnante de Jésus à propos de lui-même. Cette identité d’enfants d’Abraham que revendiquent ses interlocuteurs, Jésus la remet en cause car de véritables enfants d’Abraham ne chercheraient pas à tuer celui que Dieu leur a envoyé. On peut penser d'ailleurs que ces revendications généalogiques excédaient Jésus comme elles avaient excédé Jean le Baptiste : «... ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : 'nous avons pour père Abraham'. Car je vous le dis, Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants à Abraham ». (Mt 3, 9).
Cette intention homicide dénonce l’identité vraie de leur 'père', identité qui sera affirmée dans l’accusation la plus violente de Jésus à leur égard. À suivre aussi, demain…
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