« Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! »

 



L’évangile du jour : Jean 7, 40-53

[En ce temps-là, Jésus enseignait au temple de Jérusalem] 40Dans la foule, on avait entendu ses paroles, et les uns disaient : « C’est vraiment lui, le Prophète annoncé ! » D’autres disaient : « C’est lui le Christ ! » Mais d’autres encore demandaient : « Le Christ peut-il venir de Galilée ? L’Écriture ne dit-elle pas que c’est de la descendance de David et de Bethléem, le village de David, que vient le Christ ? » C’est ainsi que la foule se divisa à cause de lui. Quelques-uns d’entre eux voulaient l’arrêter, mais personne ne mit la main sur lui. Les gardes revinrent auprès des grands prêtres et des pharisiens, qui leur demandèrent : « Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? » Les gardes répondirent : « Jamais un homme n’a parlé de la sorte ! » Les pharisiens leur répliquèrent : « Alors, vous aussi, vous vous êtes laissé égarer ? Parmi les chefs du peuple et les pharisiens, y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ? Quant à cette foule qui ne sait rien de la Loi, ce sont des maudits ! »

Nicodème, l’un d’entre eux, celui qui était allé précédemment trouver Jésus, leur dit : « Notre Loi permet-elle de juger un homme sans l’entendre d’abord pour savoir ce qu’il a fait ? » Ils lui répondirent : « Serais-tu, toi aussi, de Galilée ? Cherche bien, et tu verras que jamais aucun prophète ne surgit de Galilée ! » Puis ils s’en allèrent chacun chez soi.

***

Ceux qui façonnent les textes pour la liturgie font parfois des coupes qui les rendent soit insipides, à l’exemple du « saucissonnage » d’hier, soit incompréhensibles. Ajouter au démarrage une phrase comme celle qui ouvre le passage du jour : « En ce temps-là, Jésus enseignait au temple de Jérusalem » ne permet pas de comprendre les réactions contrastées des auditeurs de Jésus à la déclaration spectaculaire qu’il vient de faire, qui a été proprement shuntée, soit les trois versets suivants (Jean 7, 37-39, dans la traduction littérale de la synopse Benoit & Boismard) :

37Or, le dernier jour de la fête, le grand, Jésus se tenait debout et s’écria, disant : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et qu’il boive, celui qui croit en moi. 38Comme dit l’Écriture : ‘Des fleuves d’eau vive (udatoV zwntoV) couleront de son sein (ek thV koiliaV)’ » 39Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui. Car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié.

Ce n’est pas respecter le rédacteur johannique que de lui couper ses effets…

Nous sommes donc au dernier jour de la fête des Tentes (Souccot), le « grand jour », et Jean fait ici manifestement allusion au fleuve d’eau vive qui coulera - qui a coulé - du sein transpercé de Jésus sur la croix. Cette double image, celle de la soif qui en appelle à l’eau vive et du fleuve d’eau de la vie seront d’ailleurs reprises dans le livre de l’Apocalypse (respectivement Ap 22, 17 et Ap 22, 1).

Face à cette proclamation un peu exaltée, la foule se divise autour de la personnalité de l’homme de Galilée. « Prophète » et même « Christ » pour les uns, il suscite le scepticisme des autres relativement à ses origines. Les gardes envoyés pour l’arrêter, qui ont été eux-mêmes subjugués, se font tancer par les grands prêtres et les Pharisiens qui les avaient missionnés à cet effet quand ils reviennent bredouilles. Ces derniers affichent aussi un mépris hautain pour la foule, ignorante de la Loi.

Jean fait revenir sur la scène évangélique Nicodème, ce notable juif qui était allé s’entretenir de nuit avec Jésus (Jn 3, 1-21) au moment de la première Pâque. Nicodème défend la cause de Jésus, plaidant le droit qu’il a d’être entendu avant d’être jugé. On lui renvoie l’origine galiléenne de Jésus comme fin de non-recevoir à sa demande, comme des Parisiens qui dédaigneraient un provincial, un plouc illégitime.



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