Béelzéboul
L’évangile du jour : Luc 11, 14-23
…Jésus expulsait un démon (daimonion) qui rendait un homme muet. Lorsque le démon fut sorti, le muet se mit à parler, et les foules furent dans l’admiration. Mais certains d’entre eux dirent : « C’est par Béelzéboul (Beezeboul), le chef des démons, qu’il expulse les démons. » D’autres, pour le mettre à l’épreuve, cherchaient à obtenir de lui un signe venant du ciel. Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit : « Tout royaume divisé contre lui-même devient désert, ses maisons s’écroulent les unes sur les autres. Si Satan (satanaV), lui aussi, est divisé contre lui-même, comment son royaume tiendra-t-il ? Vous dites en effet que c’est par Béelzéboul que j’expulse les démons. Mais si c’est par Béelzéboul que moi, je les expulse, vos fils, par qui les expulsent-ils ? C’est pourquoi eux-mêmes seront vos juges. En revanche, si c’est par le doigt de Dieu (en daktulw qeou) que j’expulse les démons, c’est donc que le règne de Dieu est arrivé pour vous. Quand l’homme fort, et bien armé, garde son palais, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Mais si un plus fort survient et triomphe de lui, il lui enlève son armement, auquel il se fiait, et il distribue tout ce dont il l’a dépouillé. Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. »
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Dans le gros volume que les Études carmélitaines ont consacré
en 1948 au diable et à tous ses avatars, sobrement intitulé Satan (réédité
en poche chez Desclée de Brouwer en 1978), le premier texte dû à un jésuite, A.
Lefèvre, intitulé Ange ou bête ? rappelle que Satan « tient
peu de place dans l’Ancien Testament ; son empire n’est pas encore révélé ».
Et d’ajouter : « Le Nouveau Testament nous le dévoile comme chef
des forces du mal coalisées ; en le dévoilant, il révèle sa défaite. »
Le seul évangile du jour n’est pas avare de dénominations :
démon, Beelzéboul, Satan, auxquelles on pourrait ajouter diable (diaboloV), celui qui soumet Jésus à ses
tentations, au seuil de sa vie publique (Luc 4, 1-13).
De même que les démons sont les premiers à reconnaître en Jésus
le « saint de Dieu » venu les tourmenter, il est manifeste que la révélation
du dieu qui s’incarne provoque la révélation conjointe de celui qui est aussi le
« prince de ce monde », o arcwn
tou kosmou toutou (Jn 12, 31). Un combat explicite s’engage, au su et vu
du monde, qui ne s’achèvera qu’au retour du Christ et au jugement dernier. Ce
combat, il nous est demandé de le poursuivre dans cette attente et avec ce
viatique de l’évangéliste Jean : « prenez courage, moi, j'ai déjà
remporté la victoire sur le monde » (Jn 16, 33).
La mêlée du bien et du mal est telle qu’une tentation surgira
régulièrement dans l’itinéraire du Nazaréen, celle d’imputer à l’exorciste
lui-même des pouvoirs diaboliques. L’argumentation de Jésus est ici d’une
logique implacable : rhéteur hors pair, usant du principe de
non-contradiction, il démontre que ce n’est pas à Beelzéboul qu’on peut attribuer
les pouvoirs qui lui permettent de chasser les démons.
En employant l’expression « le doigt de Dieu », Luc
se réfère directement au livre de l’Exode (Ex 8, 15), lorsque Yahvé commandait
à Moïse d’ordonner à Aaron de produire les dix plaies d’Égypte. Cette référence
est-elle la marque pour l’évangéliste que Jésus est le nouveau Moïse, le libérateur ?
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