L'envoi des Douze
L’évangile du jour (Marc 6, 7-13)
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à
les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits
impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement
un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur
ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il
leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison,
restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous
accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce
sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de
nombreux malades, et les guérissaient.
***
La lecture continue et journalière de l’évangile de Marc et son commentaire impriment en moi des images fortes. Est-ce que je tente ainsi de
retrouver quelque Jésus de l’Histoire derrière le Christ de ma foi, de notre
Foi ? Au siècle dernier, le grand théologien Rudolf Bultmann a décrété que
cette tentative était vaine. Plus récemment, en écrivant Le Christ avant Jésus, l’historien et théologien André Paul a
nourri ce paradoxe temporel et montré comment Christ avait littéralement
« sauvé » Jésus de la mort et de l’oubli. Jésus est bien le même que
Christ mais autrement déployé de part et d’autre du point zéro du Réveil et du
Relèvement, resurrectio mortuorum. Quoiqu’il en soit, c’est un portrait de
Jésus, d’autant plus saisissant qu’il est dépouillé, que dresse saint Marc.
C’est un véritable « phénomène Jésus » qu'il dépeint : une personnalité hors normes, irradiante, qui draine les foules et
contraint les démons à se démasquer car l’arrivée du fils de Dieu leur est
insupportable et les déloge de chez leurs hôtes sous emprise. Chassés du Ciel, ils
s’étaient incarnés sur la Terre avant Lui, dans un monde où ils ont proliféré.
La tâche est donc immense. Le combat prendra des allures cosmiques quand Jean
brossera le tableau de l’ultime Révélation (apocalypse en grec) : le
triomphe de l’Agneau de Dieu. Pour l’heure, devant cette ampleur, le Maître décide
de se démultiplier via le premier cercle de ses disciples, les Douze, les
appelés de la première heure. Il y aura, chez Luc seulement, mention d’une deuxième
démultiplication avec l’envoi des Soixante-douze. Combien sommes-nous aujourd’hui,
répandus de par le monde ?
Sagement, il les envoie par deux. Ce sont des missionnaires « low cost ». Jésus réduit au strict minimum leurs impédimenta : une tunique, une ceinture, une paire de sandales et un bâton, pour le reste les confiant par avance à celleux qui les accueilleront. Ce dépouillement était sans doute celui des premiers chrétiens imitant les fondateurs pour préparer le retour imminent du Fils de l’homme. Mais surtout il les dote de son « autorité sur les esprits impurs » et du don de guérison. Les Douze appellent à la conversion, comme le faisait leur premier Maître, Jean le Baptiste ; en sus, ils expulsent les démons des corps et des esprits et guérissent les malades par des onctions d’huile. Il n’est pas dit qu’ils baptisent. Annoncent-ils le Royaume des cieux comme le fait Jésus ou bien cette annonce reste-t-elle de la seule compétence du Maître, eux se contentant de disposer les âmes à l’accueillir ? L’évangéliste ne le précise pas. Tout se passe comme si, nouvelle génération de précurseurs, ils avaient pour tâche de préparer l’arrivée de Jésus partout où ils passent. Lui, d’Annonceur qu’il était, est devenu, quand Marc écrit son évangile, l’Annoncé : le Royaume en personne.
Commentaires
Enregistrer un commentaire