« Si tu veux, tu peux me guérir »

 


L’évangile de ce dimanche (Marc 1, 40-45)

En ce temps-là, un lépreux (leproV) vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion (splagcnisqeiV), Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. L'ayant rudoyé, Jésus le chassa aussitôt en lui disant : « Vois, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit comme attestation pour eux. » Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle (ton logon), de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. Et l'on venait à lui de toutes parts.

***

La foi du lépreux s’exprime radicalement dans ce « si tu veux, tu peux » exprimé à Jésus. D’une certaine façon, il met Jésus au pied du mur : je sais que tu peux me guérir, si tu ne le fais pas, c’est que tu ne le veux pas… Jésus est à nouveau « saisi aux tripes », avec le même verbe qui exprimait hier sa violente compassion pour les foules affamées, juste avant la multiplication des pains. En touchant le lépreux, être impur, il franchit une barrière aussi religieuse, sociétale qu’hygiénique, et ce geste réintègre le lépreux dans la communauté, tout en le guérissant.

Parmi les 613 commandements qui régissent aujourd’hui la vie d’un juif, il y en a un qui énonce l’obligation rituelle à laquelle se réfère Jésus : il s’agit du précepte 176 Offrandes obligatoires du lépreux, après guérison. Jésus, qui dira qu’il n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir (Mt 5, 17) confirme ici, en acte, cette déclaration. 

En revanche son avertissement « ne le dis à personne » est moins couronné de succès. Le lépreux guéri se transforme immédiatement en héraut de Jésus, missionnaire du « logos », avec une efficacité telle qu’il contraint le rabbi à fuir la foule « dans des endroits déserts ». Cette fuite incessante, ce secret à garder sur les manifestations de force (dunamiV)  de Jésus (guérisons, exorcismes) sont deux leitmotive de l'évangile de Marc.

Lors de la messe diffusée ce dimanche sur France Culture, le prédicateur a employé la plus scandaleuse des métaphores, parlant de la « lèpre du péché » (sic !). Or on n’a pas le droit d’assimiler le péché à une maladie, car cela reviendrait aussi à suggérer qu’une personne est malade à cause de ses péchés. À rendre doublement « impur » le lépreux. Nul n’est « puni par où il a péché », comme le prétend l’adage populaire. Sur ce point, Jésus est très clair, dans l’évangile de Jean, lorsqu’il guérit l’aveugle de naissance. Quand ses disciples lui posent la question : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? », il est catégorique « Ni lui n’a péché, ni ses parents, mais c’est afin que soient manifestées les œuvres de Dieu en lui. » (Jean 9, 2-3)

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