« Ils disent mais ne font pas »
L'évangile du jour : Matthieu 23, 1-12
En ce temps-là, Jésus s’adressa aux foules et à ses disciples, et il déclara : « Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. Toutes leurs actions, ils les font pour être remarqués des gens : ils élargissent leurs phylactères et rallongent leurs franges ; ils aiment les places d’honneur dans les dîners, les sièges d’honneur dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ; ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous n’avez qu’un seul maître pour vous enseigner, et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé. »
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« Pharisien » est devenu synonyme d’hypocrite depuis que Matthieu l’évangéliste leur a taillé un costume sur mesure bien illustré par ce passage. Le romancier catholique François Mauriac fit naguère le portrait d’une « Pharisienne » dans le roman éponyme.
Dans Prions en Église de ce jour, pourtant, Roselyne Dupont-Roc rappelle que du vivant de Jésus, celui-ci était sans doute proche de ces Juifs qui voulaient eux aussi « ramener vers Dieu le cœur du peuple au quotidien », proximité dont témoignent leurs fréquents échanges, aussi rugueux que passionnés, rapportés par les évangélistes, et singulièrement par Matthieu. En les reconnaissant détenteur de la « chaire de Moïse », Matthieu admet par la bouche de Jésus leur compétence à lire et interpréter la Torah.
Aussi les
critiques acerbes des Pharisiens prêtées ici à Jésus, qui sont suivies par sept
violentes malédictions, renvoient peut-être davantage aux tensions qui se sont
développées, après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple en 70,
entre la jeune Église chrétienne qui prenait son essor, à Jérusalem et dans la
diaspora, et ceux des pharisiens qui, ayant échappé au massacre romain,
recomposèrent le judaïsme derrière une « clôture identitaire »,
recréant « un courant religieux rigoriste et exclusif ». Saul,
futur saint Paul, campé en persécuteur des premiers chrétiens dans les Actes
des apôtres, peut figurer comme bon représentant de ce courant pharisien, avant
sa conversion sur le chemin de Damas.
Matthieu fait ici des Pharisiens un
contre-exemple absolu, « ils disent et ne font pas », qui débouche
sur une leçon aussi rigoureuse pour les disciples et les premiers chrétiens,
invités à refuser tous les titres en circulation parmi les « enseignants »
de la religion : ni « rabbi », ni « maître », ni « père »
puisqu’il n’y a qu’un père, celui qui est aux Cieux et un seul rabbi et maître,
le Christ. Tous frères et le plus grand est le serviteur de tous. Toute
religion instituée ne tend-elle pas à être la négation vivante et ostentatoire de cet idéal ?
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