« Aimez vos ennemis »

 
Dérision du Christ, Musée d'Unterlinden, Colmar, XIIe siècle

L’évangile du jour : Matthieu 5, 43-48

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »

***

Et voilà que Matthieu rapporte ce qui est sans doute une des paroles les plus extravagantes de Jésus : « Aimez vos ennemis » ! toujours sertie dans cette antithèse qui structure le sermon sur la montagne : « vous avez appris… moi je vous dis ». Jésus bouscule encore la Loi, qui n’est pour lui qu’un « programme minimum » concédé par Moïse à des cœurs endurcis, comme il le redira à propos d’une question sur le divorce : « C'est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n'en était pas ainsi. » (Mt 19, 8). Jésus ne veut pas abolir la Loi mais l’accomplir, pousser la morale dans ses derniers retranchements et mettre le croyant dos au mur. « Au commencement » : c'est comme s'il voulait revenir dans un temps primordial qui aurait précédé la Loi même. 

Comme modèle, il propose son Père, en Monsieur Météo aussi égalitaire qu’équanime, qui arrose et réchauffe bons et méchants sans distinction, tel un père terrestre qui ne saurait marquer de préférence entre ses enfants. C’est cette perfection de son Père qu’il propose, rompant avec l’amour échange de bons procédés, l’amour qui attend un retour. C’est l’amour qui prend une claque et tend l’autre joue. Terrible faiblesse, impossible, insupportable ? « Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » !

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