« Nous avons trouvé le Christ »

Le baptême du Christ, Pietro Perugino


L'évangile du jour (Jean 1, 35-42), 2e dimanche du temps ordinaire.

En ce temps-là, Jean le Baptiste se trouvait avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu. » Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus. Se retournant, Jésus vit qu’ils le suivaient, et leur dit : « Que cherchez-vous ? » Ils lui répondirent : « Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? » Il leur dit : « Venez, et vous verrez. » Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).

André, le frère de Simon-Pierre, était l’un des deux disciples qui avaient entendu la parole de Jean et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d’abord Simon, son propre frère, et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie » – ce qui veut dire : Christ. André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.

***

Nous sommes au troisième jour de la semaine inaugurale de l’évangile de Jean. Lorsque Jean le Baptiste désigne à ses disciples Jésus comme « l’Agneau de Dieu », il semble que ceux-ci soient irrésistiblement attirés par ce rabbi. De disciples de Jean qu’ils étaient, ils deviennent disciples de Jésus, mus par sa force d’attraction. Jean ne semble pas s’opposer à ces défections instantanées de son groupe : il en est le responsable direct. Il sait que ses disciples ont trouvé mieux que lui dans la personne de Jésus, car il s’est déjà effacé devant plus grand que lui.

A trois reprises, l’évangéliste précise pour ses lecteurs de langue grecque le sens de mots araméens : rabbi, messie, képhas en fournissant leur signification en grec, introduite par un « ce qui veut dire » (meqermhneuomenon), du verbe ermhneuw, traduire, qui a donné le mot français herméneutique, c’est-à-dire interprétation. Par cette volonté de se faire comprendre, en prenant les mots par la racine, Jean l’évangéliste replace ses lecteurs dans la situation première, originelle, de la rencontre entre Jésus et ses premiers disciples.

Et cette rencontre est singulièrement dépouillée. Deux hommes se mettent à en suivre un troisième, qui s’en aperçoit en se retournant et les questionne : « que cherchez-vous ? ». Pris de court, ne sachant que répondre à part « toi » mais ne pouvant ou n’osant encore le dire, ils lui demandent où le rabbi demeure. « Demeurer » (menw) est un verbe central dans l’évangile de Jean, pour qui il n’est rien de plus important que de demeurer avec le Christ. Il est répété ici trois fois.

L’évangéliste n’explique pas les raisons pour lesquelles les disciples de Jean demeurent avec Jésus, comme si cette expérience, suivre pour voir et être-avec, suffisait et pouvait se passer de mots. Ils sont venus, ils ont vu et ils ont été vaincus, car ils ont trouvé en Jésus, qui les a déplacés de son « venez et voyez », le Christ. Outre ce déplacement, Simon fait une expérience plus radicale encore de dépossession de lui quand Jésus, d’autorité, le renomme Pierre (PetroV), prénom dérivé de petra qui signifie pierre, roc, prénom et nom qui serviront le jeu de mots de Jésus lors de la discussion décisive à Césarée (Matthieu 16, 18).


En nous proposant côte-à-côte les figures quasi-jumelles de Jean et de Jésus, l'évangéliste nous évoque celles de l'éducateur, celui qui conduit vers un autre que lui-même, et celle du séducteur, celui que l'on suit et qui nous attire à lui. Il n'est de bon guide sans quelque attrait. Jésus n'a eu de cesse de combattre l'emprise qu'il aurait pu exercer sur ses disciples, sur les foules qui voulaient le faire roi, souhaitant qu'on voit à travers lui son père, en transparence. Il a dû se résigner à s'effacer à son tour pour y parvenir, retenant dans sa chair la leçon que le Baptiste lui avait donnée. 

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