L'Épiphanie
L’évangile de ce dimanche (Matthieu 2, 1-12) célèbre l’Épiphanie :
Jésus était
né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des
mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi
des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous
sommes venus nous prosterner devant lui. »
En apprenant
cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous
les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait
naître le Christ. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui
est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas
le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera
le berger de mon peuple Israël. » Alors Hérode convoqua les mages en secret
pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les
envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur
l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille,
moi aussi, me prosterner devant lui. » Après avoir entendu le roi, ils
partirent.
Et voici que
l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne
s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant. Quand ils virent
l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la
maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils
se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent
leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Mais,
avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par
un autre chemin.
En guise de prologue.
Bonny-sur-Loire,
ma commune de résidence, sur la rive droite de la Loire et Beaulieu-sur-Loire,
sur sa rive gauche, se font face, reliées par un pont suspendu dont on a fêté
le centenaire en 2005. Les Bellocéen·nes l’appellent « le pont de Bonny »
et les Bonnychon·nes « le pont de Beaulieu ». Il y a, dans l’église
Saint-Étienne de Beaulieu-sur-Loire, surplombant la nef dans toute sa longueur,
une sorte de tyrolienne qui permet à chaque Noël de faire glisser lentement une
étoile lumineuse, du fond de l’église jusqu’au chœur, précédant la procession
qui voit l’entrée des personnages de la crèche vivante, autre tradition du lieu.
Marie, juchée sur un âne, porte un vrai bébé dans ses bras, Joseph est entouré
d’une douzaine de petits bergers tout aussi costumés portant des agneaux en
peluche, les rois mages suivent à distance respectable, un peu en avance en
cette nuit de Noël et tout ce monde se loge dans le chœur, derrière le
célébrant. L’âne a son lit de paille à côté du prêtre et écoute sagement la messe
de la Nativité. La machinerie stellaire, déjà ancienne, fonctionne encore avec
quelques à-coups et autres grincements de poulie, mais elle fonctionne. Elle
met en scène l’étoile qui s’est levée à l’Orient et que les mages ont suivie
jusqu’à Jérusalem, en attendant qu’elle les amène, à l’aplomb de la crèche de
Bethléem, ainsi que Matthieu en fait le récit dans son évangile de l’enfance. C’est
là qu'à Beaulieu l’étoile s’arrête, au-dessus de l’autel.
Passons aux choses sérieuses.
Le premier
chapitre de l’évangile de Matthieu, la généalogie de Jésus et le récit de sa
conception virginale et de sa naissance, ont permis de dire le « qui »
et le « comment » de l’identité de Jésus.
Le deuxième chapitre expose le « où » et le « quand » : « à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode » (le Grand). Il s’appuie sur l’oracle stellaire tiré du livre des Nombres (Nb 24, 17) : « un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël » et sur la prophétie de Michée (Mi 5, 1) : « Mais toi, Bethléem Ephrata, le moindre des clans de Juda, c’est de toi que me naîtra celui qui doit régner sur Israël », retravaillée par Matthieu. En introduisant une négation dans sa citation – « tu n’es nullement le moindre des clans de Juda » - l'évangéliste transforme Bethléem en cité digne d’accueillir le Messie.
Cette péricope
est construite par Matthieu comme une véritable dramatique qui voit s’opposer
Hérode bouleversé et avec lui tout Jérusalem face à ces mages venus d’Orient
qui lui annoncent qu’un « roi des Juifs » vient de naître. Ce
ne serait donc plus Hérode, le roi ? Hérode roi de Jérusalem versus Jésus
roi de Bethléem, une lutte sourde s'engage, dont les mages sauront se dégager.
Les mages sont
des personnages bien connus de la littérature païenne de l’époque. Ils sont
réputés compétents pour expliquer les phénomènes naturels ou interpréter les
événements extraordinaires et sont généralement recrutés parmi les astrologues
professionnels, ancêtres de nos astrophysiciens. D’où leur connexion avec « l’étoile »
qu’ils ont vue se lever, qui devait accompagner la naissance du Messie et qui
dans l’Antiquité saluait fréquemment la naissance d’un personnage illustre. Ainsi,
ce sont des païens qui se sont mis en route et ont cru à la réalisation de la
Promesse, jusqu’à se prosterner devant l’enfant de la crèche et éprouver « une
très grande joie » (caran mhgalhn
sfodra) ; alors qu’Hérode et tout le peuple de Jérusalem semblent vivre
dans l’inquiétude de ce changement annoncé, inquiétude et changement qui vont
les transformer en ennemis du Messie, rejetant l’accomplissement de la
Promesse.
Grâce aux mages
venus d’Orient, l’Épiphanie (manifestation) a le sens d’une révélation au monde, la plus ouverte qui soit, que confirme l’apôtre Paul dans sa lettre aux Éphésiens lue également
ce dimanche (Ep 3) : « toutes les nations sont associées au même
héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus,
par l’annonce de l’évangile ».

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