La tempête muselée

 

Le Christ sur le lac de Génésareth, Eugène Delacroix, 1854

L’évangile du jour : Marc 4, 35-41 

 

Ce jour-là, le soir venu, Jésus dit à ses disciples : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmenèrent Jésus, comme il était, dans la barque, et d’autres barques l’accompagnaient.

Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque, si bien que déjà elle se remplissait. Lui dormait sur le coussin à l’arrière. Les disciples le réveillent et lui disent : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence, tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez- vous pas encore la foi ? » Saisis d’une grande crainte, ils se disaient entre eux : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

 ***

La scène est presque cocasse. Une violente tempête souffle sur la mer de Galilée, alors que Jésus et ses disciples ont embarqué pour échapper à la foule qui les presse encore, le soir venu. C’est au point que la barque « se remplissait » et Jésus, lui, continue à dormir tranquillement à l’arrière, « sur un coussin ». Comme quoi le Fils de l’homme avait parfois « où reposer la tête » (Mt 8, 20)... On imagine les disciples dans la barque, affolés par les flots mais ne voulant pas réveiller leur Maître impavide qui a bien mérité le repos après une journée harassante. Se sentant finalement « perdus » ils se résignent à le secouer, presque choqués par son indifférence au péril qui les entoure. C’est alors que, menaçant le vent et admonestant la mer pour la réduire au silence, il montre que la nature lui est soumise autant que le sont les démons. En manifestant sa puissance sur toute la création, il se pose comme Seigneur de l’Univers.

Certains exégètes, admettant par ailleurs les pouvoirs thaumaturgiques de Jésus, nient l’historicité de cette scène qui contredit les lois de la nature, comme celle aussi où il marche sur les eaux, l’attribuant à un goût pour le merveilleux développé au sein des premières communautés chrétiennes - goût qu’on retrouve dans des textes dits apocryphes, non canoniques - et au désir d’enjoliver encore l’aura du Christ.

L’essentiel est ailleurs, dans la leçon que Jésus donne à ses disciples à l’occasion de cette nouvelle manifestation de force (dunamiV) et qu’il redira : « n’ayez pas peur » et dans le constat qu’il leur renvoie : « n’avez-vous donc pas encore la foi ? ». Car il lie bien les deux, crainte et manque de foi, et cette leçon transperce l’histoire et le temps jusqu’à nous : nous avons peur parce que nous n’avons pas encore la foi. Cela, nous n’avons pas besoin de prodige, de miraculum, pour le comprendre.

Quant à la crainte des disciples, le fait accompli sous leurs yeux l’a transformée, de la crainte réelle de mourir noyés en la crainte  révérencieuse devant cet homme à qui « le vent et la mer obéissent ». Qui est-il vraiment, car cela aussi, ils ne le savent pas encore ?

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