Heureux ceux qui voient et entendent

La chute de Satan, Gustave Doré

L’évangile du jour (Luc 10, 21-24)

À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »

Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. »

***

Cette joie qui exulte en Jésus, c’est la joie qui, à leur retour, déborde des soixante-douze, envoyés annoncer la venue du Royaume. Dans les versets qui précédent ce passage, rendant compte de leur mission, ils se réjouissent comme des enfants à qui on aurait confié un nouveau jouet : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom ! » (Lc 10, 17) Ivresse de ce nouveau pouvoir qui s’est déployé sous les yeux de Jésus : « Je regardais Satan tombant du ciel comme un éclair » (Lc 10, 18)*. Défié, le prince de ce monde a dû livrer combat et, dans sa chute, a été défait. Pourtant, Jésus tempère l’enthousiasme de ses disciples : « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux » (Lc 10, 20), protégés par grâce des menées terrestres des démons qu’ils seront appelés à combattre et à vaincre. 

Jésus se réjouit que ce qui était caché soit révélé aux tout-petits, ceux-là même qu’il a envoyés proclamer le Royaume, et il remercie son Père de cette révélation dans une prière de louange et de bénédiction qui témoigne de son lien privilégié avec lui. Après cette louange à son Père, le texte dit qu’il se tourne – comme physiquement - vers ses disciples. Il reprend l’opposition énoncée dans sa louange entre tout-petits et sages et savants, cette fois en nommant les rois et les prophètes qui n’ont pas le privilège de voir et entendre ce qui est donné à voir et entendre aux disciples : le Père révélé dans l’Esprit par les faits et dits du Fils. Que voyons-nous du Royaume ? Qu'entendons-nous ?

* Le philosophe René Girard a donné ce verset comme titre à un de ses essais.

 

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