« Au commencement »

Saint Jean l'évangéliste, Valentin de Boulogne

Jean 1, 1-18

Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui et sans lui rien ne fut. Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas atteinte.

 Il y eut un homme envoyé par Dieu dont le nom était Jean. Il vint pour un témoignage afin de rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Cet homme n’était pas la lumière, mais il vint afin de rendre témoignage à la lumière.

 Le Verbe était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde fut par lui, mais le monde ne l’a pas connu. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, lui qui ne fut engendré ni du sang ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme mais de Dieu. Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient du Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

 Jean le Baptiste lui rend témoignage et s’écrie en disant : « C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. » Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ; car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

 Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a raconté.

 [traduction Bible de Jérusalem et synopse Benoît-Boismard]

 ***

Au matin de Noël, le prologue à la fois poétique et solennel de l’évangile de Jean répond à la scène touchante de la crèche de la Nativité, peuplée d’animaux, de bergers et d’anges dans les cieux. Comme si deux mondes étrangers s’étaient croisés dans la nuit de Noël et se commentaient l’un l’autre au matin dans nos têtes.

Ce prologue est, pour moi qui ai fait ma communion solennelle en 1962 dans la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, un souvenir d’enfance car il était lu à la fin de chaque messe (en latin, mais mon missel était bilingue latin-français) jusqu’à la réforme liturgique issue du concile Vatican II et mise en place en 1965.

Le prologue est une sorte de préface à l’évangile bien spécifique que Jean va développer, fait de signes (et non de miracles), d’incompréhensions, de doubles sens, au ton bien différent de celui des synoptiques (Matthieu, Marc, Luc). Il prend la forme d’un hymne qui emprunte beaucoup à la description de la Sagesse personnifiée dans le Premier testament. Il résume la christologie de Jean. Cet hymne est suspendu à deux reprises par des versets qui évoquent la figure de Jean le Baptiste et sa mission de « témoin de la lumière ».

Dans la traduction française, « verbe » vient directement du latin « verbum » qui traduit lui-même le grec « logoV ». Les Allemands traduisent plus simplement logos par « Wort » et les Anglais par « word » (autrement dit : « mot »). Ainsi le début du prologue ressemble à celui du livre de la Genèse, « et dieu Dit et cela fut », au commencement du monde qui advient par le mot dit, la Parole créatrice de Dieu. Le Verbe est créateur du monde, le Verbe est Dieu même. S’esquisse alors le thème de la lutte entre la lumière et les ténèbres que l’on trouve dans des écrits intertestamentaires comme ceux exhumés des grottes de Qumrân en 1947 puis dans les textes gnostiques ultérieurs.

Et puis un jour ce Verbe se fait chair et, dit Jean, il est venu habiter parmi nous. Mais d’emblée Jean fait pressentir le drame à venir : « il vint chez lui et les siens ne l’ont pas reçu ».

Pourtant, « ceux qui l’ont reçu ont pouvoir de devenir enfants de Dieu ». Cette réception fait sans doute autant allusion au service du prochain qu'à l'eucharistie.

Jean réaffirme le pouvoir des mots dans le dernier passage : car le Dieu invisible du judaïsme, c'est son Fils unique Jésus Christ, « qui est dans le sein du père », qui l’a raconté et c’est lui que nous « lisons » dans son évangile.

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