L'enfant guéri

Très riches heures du Duc de Berry, XVe siècle

L'évangile du jour (Matthieu 17, 14-20)

 En ce temps-là, un homme s’approcha de Jésus, et tombant à ses genoux, il dit : « Seigneur, prends pitié de mon fils. Il est épileptique et il souffre beaucoup. Souvent il tombe dans le feu et, souvent aussi, dans l’eau. Je l’ai amené à tes disciples, mais ils n’ont pas pu le guérir. » Prenant la parole, Jésus dit : « Génération incroyante et dévoyée, combien de temps devrai-je rester avec vous ? Combien de temps devrai-je vous supporter ? Amenez-le-moi. » Jésus menaça le démon, et il sortit de lui. À l’heure même, l’enfant fut guéri. Alors les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent en particulier : « Pour quelle raison est-ce que nous, nous n’avons pas réussi à l’expulser ? » Jésus leur répond : « En raison de votre peu de foi. Amen, je vous le dis : si vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusque là-bas”, et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible. » 

***

Jésus commence par se fâcher. Ce garçon épileptique, ses disciples n’ont pas été capables de le guérir. Alors, il s’en charge, agacé d’avoir à tout faire lui-même. Et le diagnostic du maître tombe comme un couperet quand ils s’approchent de lui, tout penauds, demandant à comprendre pourquoi ça n’a pas marché avec eux. Ce « peu de foi » qu’ils ont n’a pas suffi. En auraient-ils eu ne serait-ce que de la taille d’une graine de moutarde, ils auraient guéri ce garçon et mieux encore, ils déplaceraient des montagnes. Disciples, encore un effort et rien ne vous sera impossible.

Ce texte prend l’exact contrepied du livre pourtant formidable du philosophe Camille Riquier, Nous ne savons plus croire, que j’ai lu il y a peu. Ce n’est pas que nous ne savons plus croire, nous dit le Christ, c’est que nous ne savons pas encore croire. La fameuse foi qui déplace les montagnes n’est pas derrière nous, elle est devant nous. C’est ce que m’avait fait entrevoir Dom Grammont, un jour qu’il prêchait en son abbaye du Bec Hellouin sur ce passage de l’évangile de Luc qui se terminait ainsi : « mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Luc 18, 8). Commentant ce final, l’Abbé proposait aux chrétiens, désenchantés par l’apparente implosion de l’Église et qui comprennent « trouvera-t-il encore la foi sur la terre », d’entendre plutôt « trouvera-t-il enfin la foi sur la terre ? ». Non, le game n’est pas plié, simplement nous n’avons encore rien misé et nous continuons à jouer petit bras. La montagne, elle, nous attend, prête à sauter dans la mer si nous le lui ordonnons (Matthieu 21, 21).


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