Le vêtement de noce



 L’évangile du jour (Matthieu 22, 1-14)

En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.” Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.

Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. 

Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.” Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »

***

Le thème des noces, contexte de fête par excellence, parcourt les évangiles, qu’il s’agisse des synoptiques ou de l’évangile de Jean. Il provient du Premier testament qui fait grand usage de l’image nuptiale pour désigner l’union de Dieu avec son peuple, image qui va être reprise dans les évangiles où Jésus sera interprété comme l’époux de la communauté messianique. Dans l’évangile de Jean, le premier « signe » qu’accomplit Jésus – l’eau, normalement réservée aux rites de purification, changée en vin ! – se déroule pendant une noce à laquelle Jésus, sa mère et quelques disciples ont été invités. Dans le même évangile, l’ultime témoignage que rend Jean le Baptiste à Jésus convoque une image nuptiale : « qui a l’épouse est l’époux mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend est ravi de joie » (Jn 3,29). C’est la joie du Baptiste d’être cet ami. Dans Matthieu (9, 15), Jésus prend lui-même ce titre d’époux pour répliquer aux disciples de Jean qui lui reprochent de ne pas jeûner et même de manger avec « des publicains et des pécheurs » : « est-ce que les fils de l’époux [au sens de garçons d’honneur] peuvent jeûner pendant que l’époux est avec eux ? ». Ce mot signifie bien que le temps du ministère terrestre de Jésus, l’annonce du Royaume, va être un temps de noces continuée jusqu’à « l’heure », cette heure que Jésus annonce à sa mère à Cana : « mon heure (ora) n’est pas encore venue » (Jn 2,5). On peut ajouter que dans le dernier livre de la Bible, le livre de la révélation ultime, l’Apocalypse, il est question « des gens invités au festin de noce de l’Agneau », agneau qui représente le Christ. Dans ce livre, les noces de l’Agneau désignent l’instauration du Royaume céleste. Et l’épouse de l’Agneau, la communauté des invités, est revêtue « de lin, d’une blancheur éclatante ; le lin c’est en effet les bonnes actions des fidèles » (Ap 19, 8)

Ceci posé, à lire le texte de ce dimanche une chose est claire : le roi tient à ces noces, les noces de son fils. Il est prêt à inviter n’importe qui après que ses connaissances ont décliné son invitation. Et il prend le temps de châtier les meurtriers de ses serviteurs. En apparence, il accueille tout le monde, « les mauvais comme les bons » mais il se réserve le droit de les examiner et au motif que l’un d’eux n’a pas revêtu le vêtement de noce, il le fait jeter dehors. Qu’est-ce donc que ce vêtement de noce, plus important en apparence que toute autre qualité ? Ou plutôt que signifie le silence de l’homme ? 

Car la question du roi semblait aimable, qui commençait par « mon ami ». Encore que cet « ami », hetairos en grec, Matthieu soit le seul évangéliste à l’employer. Et les contextes de cet emploi laissent à penser que le terme n’est pas si aimable que ça. Ainsi en Mt 20, 13, c’est par ce terme que le propriétaire remet à sa place l’un des ouvriers de la première heure qui, jaloux de ceux de la dernière heure ayant reçu le même salaire, récrimine à propos du sien.

Ici, l’homme ne peut ou ne veut répondre. Son silence scelle sa fraude, sa culpabilité et sa condamnation. Il ne faisait pas partie des élus, n’avait pas la tenue de lin blanc de ses bonnes actions comme les invités aux noces de l’Agneau, et ne pouvait être admis à la noce du Royaume des Cieux.


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