Le blasphème contre l'Esprit Saint



 L’évangile du jour (Luc 12, 8-12) :

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Je vous le dis : Quiconque se sera déclaré pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu. Mais celui qui m’aura renié en face des hommes sera renié à son tour en face des anges de Dieu. Quiconque dira une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera pardonné ; mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pas pardonné. Quand on vous traduira devant les gens des synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la façon dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz. Car l’Esprit Saint vous enseignera à cette heure-là ce qu’il faudra dire. »

***

Quand les exégètes s’efforcent de distinguer dans les évangiles ce que furent les paroles même de Jésus, ses « ipsissima verba », de ce qui relève d’une recréation postérieure des traditions orales ayant conduit jusqu’à leur mise par écrit, le nom de « Fils de l’homme » occupe une place particulière. S’agit-il de Jésus lui-même ou d’un double ? En explorant les 82 occurrences de ce nom dans le texte grec des évangiles, Jacques Guillet fait observer qu’il « n’est jamais prononcé par un autre que Jésus, que nul ne lui donne jamais ce nom, ni ne l’appelle de ce nom, ni ne le fait parler sous ce nom. » En cela, il n’est pas un « titre » comme peuvent l’être « Christ » ou « Fils de Dieu ». Il reste frappé d’ambiguïté et de mystère, car même prononcé par Jésus, rien ne prouve que celui-ci parle de lui-même hic et nunc. Jésus en parle souvent comme d’une figure à venir, associée au langage apocalyptique qui affleure progressivement à mesure qu’il se rapproche de son destin et l’entrevoit, mais cet « à venir » laisse entre lui et ce Fils de l’homme, un temps et un espace qu’il ne lui appartient pas de préciser, car seul son Père en détient le savoir (Matthieu 24, 36).

Le « blasphème contre l’Esprit saint », jugé ici seul impardonnable, a fait l’objet aussi de multiples interprétations. Qu’il y ait ne serait-ce qu’une circonstance dans laquelle le pardon de Dieu ne puisse s’exercer paraît a priori choquant pour un croyant, comme une remise en cause de la toute-puissance de sa miséricorde. Marc le mentionne aussi (Marc 3, 28-30) apportant une précision : quelques témoins des miracles de Jésus tendaient à les attribuer à un « esprit impur » qui l’aurait « possédé » (Marc 2, 30). Refus d’une juste attribution qui constituerait donc le « blasphème contre l’Esprit saint ». Impardonnable car rompant toute reconnaissance de son œuvre et donc tout lien qui pourrait être une voie praticable pour un pardon demandé et reçu. Dès lors, est-ce que le péché suprême, impardonnable, ne serait pas de croire que l’on ne peut pas – plus - être pardonné ? Impasse absolue où s’enferrerait l’orgueil de la créature refusant l’enseignement de l’Esprit saint, préférant l’emprise de Satan à celle de son Créateur, soit, dans le langage de la Genèse, la pomme croquée à tout le reste.


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