La danse de Salomé

 

Le Caravage, 1607

L’évangile du jour (Matthieu 14, 1-12)

 En ce temps-là, Hérode, qui était au pouvoir en Galilée, apprit la renommée de Jésus et dit à ses serviteurs : « Celui-là, c’est Jean le Baptiste, il est ressuscité d’entre les morts, et voilà pourquoi des miracles se réalisent par lui. » Car Hérode avait fait arrêter Jean, l’avait fait enchaîner et mettre en prison. C’était à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe. En effet, Jean lui avait dit : « Tu n’as pas le droit de l’avoir pour femme. » Hérode cherchait à le faire mourir, mais il eut peur de la foule qui le tenait pour un prophète.

Lorsqu’arriva l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa au milieu des convives, et elle plut à Hérode. Alors il s’engagea par serment à lui donner ce qu’elle demanderait. Poussée par sa mère, elle dit : « Donne-moi ici, sur un plat, la tête de Jean le Baptiste. » Le roi fut contrarié ; mais à cause de son serment et des convives, il commanda de la lui donner. Il envoya décapiter Jean dans la prison. La tête de celui-ci fut apportée sur un plat et donnée à la jeune fille, qui l’apporta à sa mère. Les disciples de Jean arrivèrent pour prendre son corps, qu’ils ensevelirent ; puis ils allèrent l’annoncer à Jésus.

 ***

Quel récit dramatique, quelle mise en scène, en seulement quelques mots ! Game of Thrones est enfoncé, deux mille ans à l’avance. Oui, bien sûr, on l’a lu et entendu cent fois, vu au cinéma dans quelques péplums - Barrabas, Ben Hur, Quo vadis ? Salomé la liste est nombreuse - et en peinture, pour laquelle elle est un sujet de choix. Une tête contre une danse, la vengeance d’une femme… Malade, à demi-fou, tourmenté par le remords, Hérode Antipas voit en Jésus dont il entend parler Jean le Baptiste ressuscité, qu’il a mis à mort. Ici, analepse : Hérode a pris la femme de son frère Philippe, et Jean, qu’Hérode craignait et admirait à la fois car il avait la faveur du peuple qui le tenait pour un prophète, avait condamné cette relation adultère et quasi-incestueuse. 

L’inceste pointe d’ailleurs carrément son nez lorsque Salomé – c’est l’historien juif Flavius Josèphe et non les évangiles qui la nomme ainsi - sa belle-fille, enfin la fille de la femme qu’il ne devrait pas avoir, danse pour lui et lui plaît tant qu’il lui promet la Lune. Hérodiade la mère qui a les pieds sur terre et sait qu’on mène les hommes par le bout de la queue, conseille à sa fille de demander la tête de Jean le Baptiste, cet empêcheur de baiser en rond. Devant cette demande exorbitante, le roi est « contrarié » mais c’est le roi et il a promis donc il tient sa promesse. Et voici qu’on apporte la tête du cousin de Jésus sur un plat qu’on passe à la fille qui le passe à sa mère. Scène violemment surréaliste. 

Quand les disciples de Jean vont apprendre à Jésus la mort de leur maître, Jésus voit-il dans cette tragédie un signe de sa mort future ? Il est en tout cas profondément touché. Ce sont les disciples de Jean qui les premiers avaient suivi Jésus après le baptême dans le Jourdain. Les liens sont étroits entre les deux cousins que selon la tradition, six mois seulement séparent. On se rappelle de la Visitation de Marie à Elisabeth, de la reconnaissance in utero de l’embryon Jésus par Jean le fœtus orchestrée par un autre évangéliste (Luc 1, 39-45). 

Matthieu ajoute qu’« à cette nouvelle Jésus se retira en barque dans un lieu désert, à l’écart ». La prédication de Jésus, à partir de là, va s’assombrir avec une première annonce de sa passion future, qu’il vient sans doute d’entrevoir dans celle du Baptiste. « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues tes prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés… » (Mt 23, 37)

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