La Cananéenne

 

La Cananéenne aux pieds du Christ, Jean-Germain Drouais, 1784, Rennes

L’évangile du jour, 20e dimanche ordinaire (Matthieu 15, 21-28)

Et, sortant de là [Génésareth], Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une femme cananéenne, sortie de ce territoire, cria, disant : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est fort malmenée par un démon. » Or lui ne répondit pas un mot. En s’approchant, ses disciples le priaient, disant : « Fais-lui grâce car elle crie derrière nous. » Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, secours-moi » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. » Elle reprit : « Oui, Seigneur car même les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Ô femme, grande est ta foi, qu’il t’arrive comme tu veux ! » Et, à sa fille fut guérie à partir de cette heure-là.

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En apparence, Jésus a décidé d’ostraciser cette Cananéenne qui invoque sa pitié : « eleison me, kyrie » qui rappelle le « kyrie eleison » chanté au début de notre messe, « Seigneur, prends pitié ». Il ne lui répond même pas. Quant à ses disciples, s'ils tentent d'intercéder pour elle, c'est uniquement parce qu'elle leur casse la tête depuis un moment et n’a visiblement pas l'intention de décrocher de leur groupe. Jésus consent à leur répondre, à eux, pour signifier clairement les limites ethniques de sa mission : les « brebis perdues de la maison d’Israël », dont cette femme ne fait pas partie. Mais elle se cramponne ! Et quand il la traite indirectement de « petit chien », elle ne se démonte pas ; au lieu de se vexer, elle va même emporter le morceau en filant la métaphore de Jésus, le piégeant à sa propre rhétorique. Jésus, beau joueur comme il sait l’être, passe d’un quasi-mépris à la louange de cette femme, qui a eu foi jusqu’au bout pour sauver sa fille, qui n’a pas cédé sur son désir. « Demandez, vous recevrez ».